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  • Le psy cause

La lassitude guette

Ca fait maintenant trois ans que je travaille en tant que psy. J'ose pas imaginer ce que ca donne en nombre de suivis et encore moins en nombre d'entretiens. Mais un sacré paquet malgré tout.

Ces temps ci, je me prends à une rêverie. J'ai parfois l'impression de répéter aux gens les mêmes phrases. Non parce que mon cabinet est un lit de procuste (mais si vous savez, cette légende où Procruste contraignait les voyageurs de se jeter sur un lit ; il leur coupait les membres trop grands et qui dépassaient le lit, et étirait les pieds de ceux qui étaient trop petits.),enfin je crois pas, mais simplement parce qu'il y a des mécanismes psychiques similaires à l'œuvre, ou que le temps de la thérapie est à cette posture là.

De cette impression de répétition, de ces mêmes phrases qui reviennent, j'aurais envie de les afficher au mur dans des bulles de BD.

Terrible rêverie. C'est le début de l'usure professionnelle. Est ce que dans quelques années j'aurais un pointeur laser et, de guerre lasse, je ne dirais même plus un mot mais pointerais le laser sur la phrase qu'il faut. Est ce que je finirais comme Kristeva décrit ses supervisions avec Lacan, à annoner des concepts plus ou moins en rapport avec le sujet ? J'en doute, n'ayant ni l'aura ni le potentiel de labelliser, mes patients s'en iraient très vite.

Enfin bref, qu'est ce que je répète aussi souvent en fait ?

Ma première marotte ces temps ci, c'est "laissez le temps à la réalité de vous décevoir." Je suis effaré d'à quel point les gens sont pétris de peur et s'imaginent que les choses vont prendre le pire chemin. Si on refuse quelque chose à l'autre, il va nous envoyer chier voire nous tabasser se disent les hommes. Les femmes se raconter plus qu'aussitot ça va être le complet désamour. Débâcle en rase campagne dans tous les cas. D'en parler, et sûrement de voir ma tête, ils prennent conscience du truc mais c'est un processus qui doit se répéter, pendant un temps, pour chaque nouvelle situation. Et après tout, le rapport a l'autre est assez angoissant pour qu'il faille faire au fil de l'eau ce travail là.

Une autre marotte qui revient sans cesse, c'est "Vous en avez parlé à votre entourage ?" C'est fou à quel point les gens doublent leurs difficultés de vie parce qu'ils en parlent peu autour d'eux. Je double souvent de la phrase "Ne pas parler de ses problèmes, c'est en plus s'ajouter un sentiment de solitude. La vie est assez compliquée, pourquoi en faire une double peine ?" mais ça serait trop long à mettre dans une bulle de BD. Alors certes, mon métier m'amène à rencontrer des gens qui se sentent dans une impasse subjective et qui font le pari un peu désespéré qu'aller s'adresser à un inconnu va les aider. Ca donne forcément des gens un peu plus enclins à ne pas se confier ou qui n'ont pas su le faire.

Plus une pose qu'une phrase, il y a le grand classique de la réponse soutien narcissique. "Mais quel connard" ou "ça a du être difficile". Les gens ont parfois perdu leurs repères subjectifs, écrasés par la douleur ou autre et ne savent même plus écouter leurs souffrances pour ce qu'elles sont, des blessures narcissiques. Pire, ils s'interdisent la haine et me voilà obligé de la jouer façon psychodrame pour eux.

Je n'en ai pas encore assez pour me faire un mur de bulles de BD, mais ca viendra.

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