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  • Le psy cause

Et tu causes ?

Et le psy cause, pourquoi ? Bon, je fais genre je m'adresse à vous, mais en fait même moi je sais pas trop pourquoi. Hop, ça m'est venu, je l'ai écrit. On va pas se prendre la tête dix mille ans sur ça.

Ça n'a pas la fraîcheur de l'originalité du jeu de mot. (avec la psychose, vois saisissez ? À moitié vous dites ? Bon... C'est nul ? Aussi...) mais après tout, c'est de cette place de psy que je viens parler ici, alors ça se tient.

Et puis m'est venu que ça sonnait aussi avec le cause toujours qui se veut le nom du blog. Et hop, nouvelle idée d'article. En fait une question qui m’a un peu tourmenté à mes débuts.


En séance, je parle.


Pas n'importe comment, mais je parle. J'ai mes clichés moi aussi, celui du psychanalyste silencieux qui va tôt ou tard ponctuer une phrase d'un rapport à vos parents. Les fourbes... J’ai toujours en tête ce premier entretien où vient le patient et le psy ne dit rien. Silence complet. Un mur. « Faut laisser venir la parole » qu’ils diraient. Ca fait surtout venir l’angoisse au point de faire flamber et que les personnes ne reviennent que difficilement. Bon, à vrai dire, ce ne sont pas que des clichés, mais aussi des anecdotes racontées.

Ca n'a pas été comme ça pour moi, elle parlait ma psy. Elle racontait pas sa vie, mais elle parlait. Et, probablement de la, moi aussi je parle en séance. C’est cette transmission vivante qui m’y autorise.

Ça n'a pas empêche que ça me semble bizarre au début. Bon à vrai dire au début tout semble bizarre. Nous voilà seuls avec un patient, nos connaissances théoriques en tête (pour ce que ca sert...), nos cheminements de vie et notre sensibilité (déjà plus utile !), nos expériences de stage où l'on a grappillé quelques postures sur le tuteur, notre propre expérience thérapeutique ou on a glané aussi quelques tuyaux.

Et voilà, on se retrouve seul avec le patient. On a l'air malin maintenant... Passé les premiers temps, un peu rigide, j'ai pris le parti d'être assez naturel. J'ai fait le deuil de me dire que je serais un psychanalyste (à vrai dire je comprends de moins en moins ce que ca veut dire). Parce que faut avouer qu’ils ont l’air très doctes ces gens là, comme dirait Brel. De toutes mes études, dans les récits cliniques que j’ai lu, tout est rondement mené. On sait pourquoi le patient vient, on sait comment il repart. Et on sait à chaque étape ce qu’on fait. Au début je prenais le fait de ne pas bien savoir ce que je faisais comme la marque du débutant. Et puis finalement, non. C’est surtout parce qu’il s’agit de rencontrer quelqu’un, empêtrée dans son histoire, les récits qu’il se fait de lui-même, etc qu’on ne peut pas savoir ce qu’on fait. C’est le patient qui donne le tempo, il faut suivre, non pas diriger. Et cette position de savoir que tout ce que j’ai lu, à quelques exceptions près, je ne peux pas m’y reconnaitre. On sait ce qu’on fait, et si jamais ca ne se passe pas comme prévu, c’est que le patient n’était pas près. Bien au chaud dans ses certitudes. L’illusion du savoir, c’est un peu le doudou des psy.

Donc exit pour moi cette position du psychanalyste. Et je parle.. Simplement pour soutenir les gens qui font un exercice difficile en venant voir un psy. Mais ca signifie pas faire n'importe quoi pour autant !

En vrac, ce qui me vient sur quand parler. Parler quand l'autre n'est pas pris dans ses pensées et qu'il essaye d'élaborer quelque chose. Parler quand ça peut apporter du grain à moudre au patient sur sa problématique. Parler quand ça peut faire pont entre différentes pensées du patient. Parler pour se créer un langage commun. Parler pour leur affirmer leur parole.

Enfin bref je vais pas aller raconter mes dernières vacances ou mon dernier coup de mou. C'est un métier quand même. De la même manière que c'est pas parce que t'as un crayon en main que ça fait de toi un dessinateur, c'est pas parce que tu poses ton cul sur une chaise et que tu parles avec quelqu'un que ça fait de toi un psy.

Et non seulement je cause, mais on rigole ensemble même. Adieu là aussi la pseudo neutralité bienveillante où une esquisse de sourire est considérée comme un psy qui montre trop son désir et par la même influence. Comme dit François Roustang, est ce que ne pas rire à une blague n'est pas autant une influence que d'y rire ? Il ne s'agit pas d'être dupe d'une séduction qui se mettrait en place, mais pourquoi pas, si le patient en est la ? (évidemment tout n'est pas permis pour autant, c'est pas pour ça qu'il faut baiser avec ses patients).

Ça m'a valu quelques moments déprimants quand même. Ca va pas de soi. A se demander ce qu'on fout là comme dirait Jean Oury. Avec même un léger sentiment de culpabilité de transgresser les tables de la Loi. Parce que j'ai beau me dire à l'arrache, j'ai un côté qui se veut très consciencieux. Et que s'autoriser quelque chose, perdre ses modèles sans savoir dans quoi on s'embarque, si on fait bien ou non, m'a parfois furieusement déprimé.

C'est d'autant plus compliqué dans les débuts où l'on ne sait pas encore si ce qu'on fait sert à quelque chose (bon, la question se pose toujours après...).

A l'époque ça m'avait assez affolé pour que, lecteur assidu de la psychanalyse, il a fallu que j'aille voir ailleurs, dans d'autres modèles théoriques, pour me trouver une certaine respiration. François Roustang et Erickson m'ont donné assez d'autres appuis pour que je me sente assez à l'aise avec tout ça. Chez le premier parce qu’on y trouve ce sentiment d’incertitude comme signe justement qu’il se créé quelque chose, que l’on ne tombe pas dans les ornières du connu. Chez Erickson parce que Roustang s’en réclame d’une part mais aussi parce qu’on a là des méthodes thérapeutiques à l’opposé de la psychanalyse. Le thérapeuthe y a une part active selon la manière dont il jauge son patient. Ethiquement, ce que faisais Erickson était parfois douteux, quand on le lit un siècle plus tard, mais sa finesse de lecture des problématiques des patients vaut bien celle de Freud et consorts.


Je me souviens d’un patient qui était venu en se présentant comme ayant des problèmes d’addictions sexuelles. Un tour avec une escort et ca repart. Désormais fiancé, il avait failli exploser son mariage. Je me sentais désemparé face à ca. J’étais allé acheter des bouquins sur le sujet de la dépendance sexuelle. Un bien costaud en termes de théorie, et un autre composé de témoignages. Et moi, mal dégrossi, je me demandais s’il fallait que je passe ce bouquin au patient. Parce qu’on sort de la sacro sainte neutralité en faisant ca. Paf on lui donne de quoi s’identifier. Un terme sur lequel se reposer et verrouiller le questionnement.


Bon, certes, j’étais pas tout à fait dupe, le bouquin était assez bien fait pour aborder d’autres pistes autour de la dépendance sexuelle et des failles narcissiques que ca peut impliquer. Mais quand même, face à quelque chose que j’avais jamais fait, je me sentais transgresser. J’ai fini par envoyer se faire foutre les règles trop rigides qui me hantaient et lui ai filé. Bien m’en a pris parce que d’une part, ca l’a dégrisé des récits qu’il se racontait sur le coté hypersexuel qui prend la vie à pleine dents (alors que par certains cotés il la prenait juste dans la face …) et d’autres parts, s’étant reconnus dans certains témoignages, il s’est senti moins seul dans ce qui l’accablait.


Une autre anecdote, sur le rire et le fait de faire des blagues. Je me souviens de cette patiente qui me parlait de son ex mari qui la frappait et qu’elle avait décidé de quitter en partant d’un coup. Sa famille, pas au courant de ce qu’elle subissait avait reprouvé son choix, lui disant de revenir avec lui. Et moi de commenter « En fait, vous êtes partie sur un coup de tête, mais pas celui que votre famille croyait. » Et on a rit. Enfin une partie de moi riait jaune, j’étais un peu effrayé de faire de l’humour noir sur ce qui était aussi délicat. Je savais pas trop ce qui m’avait pris. Et pourtant là aussi, ca a été utile. Au moins j’étais de son coté. Et puis elle avait le sens de l’humour, ca aide.


Je suis tombé un peu après sur une phrase de Roustang qui affirmait qu’un patient qui a rit dans une séance est déjà le signe qu’un patient n’est plus tout à fait collé à sa problématique, qu’il acquiert du recul. Je dois dire que malgré tout, ca m’a mis un peu de baume au cœur de lire ca. Parce que dans les récits cliniques dont on m’a gavé dans mes études, bah on se marre pas beaucoup. On peut pas se draper dans les oripeaux du savoir et en même temps se marrer. C’est pas sérieux quand même de se marrer.


Au bout de deux ans je suis plus à l’aise avec tout ca. Et chez moi, le psy parle, et parfois même on rigole.

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