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  • Le psy cause

Faut il vanner ses patients ? 

Oh lenteur monotone de l'obsessionnel neutralisant son discours à force de détails objectifs pour mieux ne pas parler de lui ...


Y a quelques jours une patiente entame la séance en parlant de son boulot. Entame ma patience aussi. Elle en parle toujours au bout d'une demie heure. Et vas y que je te donne les détails des enjeux d'entreprise, que je te décris précisément la situation. Tout ça pour dire au bout de sa demie heure qu'elle n'aime pas le type. Et moi de commenter "Ouais enfin, vous auriez pu me dire que c'était un gros fils de pute misogyne on aurait gagné du temps."


Qu'enfin la haine prenne son envol ! Ah ranimer la douce chaleur de l'affect avec le langage le plus ordurier qui soit. La thérapie par le gros mot. Je serai curieux de savoir si dans les méthodes les plus baroques qu'on a créé depuis 150 ans de psychothérapie, quelqu'un aurait créé un système autour de ça. La bienveillance, la neutralité, la provocation, l'empathie, certes mais l'insulte ? Mais revenons à mes obsessionnels et à mes méthodes qui ne sont pas super conventionnelles.


D'un autre patient qui gomme ses affects en disant que tout va bien (il faudrait lui passer la chanson du film lego) pendant lui aussi sa première demie heure. "Bon je viens en thérapie vous lâcher 50 balles par semaine mais faisons en sorte que ça ne bouge pas trop hein." Et toujours dans les dernières minutes il arrive à quelque chose qui est problématique dans sa vie. Mais à la fin hein, qu'on en parle pas trop. J'avais fini par tourné ça en dérision" Vous êtes génial quand même hein ! Ça commence par tout va bien puis on finit par y a tel point qui me saoule grave. " Et puis après que ce soit arrivé plusieurs fois, je commençais la séance par" Bon, je sais que tout va bien pour vous, mais aujourd'hui y a quoi qui va pas ! " Et de le voir arriver les fois d'après en me disant" Bon, je vais pas faire du suspens, j'ai réfléchi à ce que je pouvais dire qui ne va pas cette fois. "


Alors certes ça satisfait mon désir que le patient ne s'enlise pas, peut être même que je sous estime les résistances en jeu autour de ça, mais enfin c'est plaisant de le voir sortir de ses impasses, ou plutôt qu'il les aborde directement. C'est déjà un premier pas.


Mais certains patients sont plus fourbes encore ! Je me souviens d'un dont il a fallu un an avant qu'il puisse exprimer un quelconque mal être. Bon, certes il avait assez de difficultés dans sa vie déjà, ça a permis de faire écran. Mais au delà de ça, sa manière d'esquiver à lui tournait principalement à se faire passer pour un bobo passionné de détails autour de la bonne bouffe, de cuisiner avec sa compagne et de me créer des récits Instagram autour de ça. Très bon acteur ceci dit, je l'écoutais patiemment, ne comprenant pas pourquoi il s'infligeait ce genre de récits. Et me les infligeant par la même occasion. Y avait il des mystères de joie que je ne comprenais pas dans cette vie ? Était je handicapé à tout jamais des plaisirs simples et ne pouvait parvenir à saisir le sel de ce qu'il me racontait ? Parce c'est vrai hein, je suis un peu un gros lourd qui se paye pas trop de mots.


Au bout d'un an, il me fait encore un de ses récits photoshopé, 20 minutes de détails minutieux sur le cuisine, sur les saveurs du petit plat préparé puis fini par me dire "En fait j'ai rien ressenti de tout ça, tout avait aucun goût et je me sens perdu." Et moi de m'exclamer de nouveau "Mais enfin c'est quoi votre problème pour me raconter ces conneries alors ? Vous seriez pas un peu taré à venir chez un psy, lâcher 50 euros et même pas raconter un peu des choses vraies ?" Oui oui, je suis un psy bienveillant...


Enfin bref, la aussi les mêmes effets ont eu lieu. Je l'ai embêté quand il me racontait des récits les fois suivantes en lui demandant ses vrais affects et en le chariant" Bon alors quelle histoire vous allez me raconter aujourd'hui. "


Ce qui est commun à ces patients, c'est qu'ils ont tous une manière de se cacher de leurs affects. Et ils s'étonnent d'avoir un sentiment de solitude qui les bouffe. Mais ça semble dangereux pour eux de se dire à quelqu'un. Avec toujours la même ritournelle "Ah non mais je veux pas embêter l'autre." C'est toujours un progrès quand ils arrivent à sortir de ces fictions, même si je dois les vanner un peu pour ça.

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