La fausse monnaie de la douance

J'ai reçu l'autre jour une nouvelle patiente. Après mon blabla de présentation d'usage, elle commence à me parler d'elle. Les premiers mot qu'elle a utilisé pour se décrire étaient de parler du diagnostic de surdouance qu'on avait fait pour elle. Et évidemment d'enchaîner sur le soulagement qu'elle en avait ressenti, que de se sentir différente toute sa vie, enfin elle pouvait mettre des mots dessus. Évidemment elle me parle alors de pensée en arborescence et d'hypersensibilité. Elle met alors sa bonne volonté à me clamer qu'elle préfère le terme zèbre qui n'a pas valeur de supériorité comparé à surdoué. J'avais lu à un moment le bouquin de Jeanne Siaud Fachin, celle qui a écrit le bouquin trop intelligent pour être heureux et forgé le terme de zèbre et sa rente avec ceux qui tiennent à se dire qu'ils sont surdoués parce que ça éclaire la vie d'un jour nouveau. Mon dieu que j'avais trouvé ce bouquin sirupeux. A affirmer toutes les deux pages que les zebres étaient uniques et différents et merveilleux de leur différence. C'est plus un matelas narcissique qu'elle filait à ceux qui voulaient s'identifier à ce terme, c'était un marécage. La seule chose dont je lui ai été gré dans ce livre est d'avoir fait des encarts récapitulatifs pour éviter de m'étouffer dans ce sucre liquide. Parce que oui, je l'ai fini, j'ai une une conscience professionnelle. (Je mens, je ne l'ai même pas fini...) Comprenons nous bien hein. Je ne dis pas que ça n'existe pas, les gens plus intelligents que les autres. Et j'ai bien conscience qu'il y a souvent des symptômes associés, qui vont de l'hyper rationalisation à la fragilité narcissique, mais je ne supporte pas ces discours clonés où la clé entière de la personnalité dépendrait de cette simple affaire de douance. Quid des relations affectives, amoureuses, sexuelles, familiales, professionnelles !? Les personnes qui tiennent ce genre de discours comme on s'enregimente dans un parti politique avec ses éléments de langage me semblent surtout passer à côté d'eux même. Et en ça ne pas différer de la norme.... Bref, revenons à ma patiente. Une fois qu'elle m'a débité sa leçon sur le sujet, elle me parle des symptômes qui en découlent. Elle a peur en avion mais c'est parce qu'avec son métier d'ingénieur elle connaît comment ça fonctionne et donc toutes les défaillances possibles. Son intelligence lui joue la aussi des tours ! Je me retiens de lui rétorquer que les autres ne croient pas non plus que l'avion vole magiquement et essaye de lui pointer que peut être, mais je dis ça comme ça, hein, c'est une idée qui passe, elle a tendance à rationaliser ses angoisses surtout. Elle me regarde déjà d'un air suspicieux à ne pas vouloir tout entier à accréditer sa thèse de tous les maux de l'univers accolé à sa douance... Elle continue alors à parler d'elle, évoque sa mère qui serait... Une perverse narcissique. Intérieurement je commence à me demander si je dois me faire un bingo des clichés de Psychologie magazine. Intelligente, elle décrit bien sa mère selon le portrait. La encore quelque chose à du faire écho à son vécu affectif mais il doit en passer par l'idiome le plus bête de psychologisation que notre société offre. Par la suite l'entretien s'est détendu, elle a pu parler de manière plus vraie de ses problèmes. Peut être simplement qu'elle avait peur lors d'une première rencontre avec le psy et voulait se montrer" à la hauteur". Et une fois ce moment de trac passé, se montrer plus subjectivée. J'ai quand même été à deux doigts de me pendre. Mon dieu que je hais les discours plaqués.