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  • Le psy cause

Les illusions perdues de l'entreprise 

Ah les joies de l'entreprise, trouver sa place, assumer des responsabilités. S'épanouir dans la confiance de son employeur ! Aller vers l'horizon de la promotion et des félicitations. Voire même, puisque c'est à la mode maintenant, trouver là une famille d'appoint, se lier par le team building pour être plus forts ensembles. Être collaborateur, pas employé. Soutenir son initiative, être proactif, constant, présent. Tout un tas de trucs à la con bien idéologiques que les gens gobent plus ou moins à vrai dire. J'ai quelques patients dont le travail marche à plein dans leur symptôme. D'une qui s'investit au point de perdre toute vie en dehors, d'un qui finit par se griller les ailes et finir en PLS dans son lit pendant deux semaines. C'est souvent un bras de fer, ils sont assez coriaces et trouvent plein d'avantages pour laisser leur mal être en jachère. Au fur et à mesure, il y a des phrases qui me font tiquer à chaque fois que je les entends. Au palmarès, le "On va me donner une promotion", qui veut dire en fait "on va me donner une plus grosse charge de travail mais rien côté salaire". À chaque fois que je l'entends, il y aurait presque l'impression que la personne doit être redevable à l'entreprise que sa charge de travail augmente. Parce que c'est winwin ! La montée en compétence ! Évidemment si la question du salaire arrive sur le tapis, l'employeur se prend les pieds dedans. Aussitôt, la conjoncture est difficile, il faudra attendre les voeux annuels, l'enveloppe des sous est déjà vide pour cette année. Pour un peu l'employeur dirait qu'il va faire la manche à côté d'une boulangerie le soir pour arriver à payer ses salariés et que s'il a un ticket restau ou deux à dépanner, bah ça serait pas de refus. Enfin bref, l'adage tout travail mérite salaire semble venir d'une autre planète. Le petit frère difforme de la "promotion", c'est "C'est une opportunité". Souvent, faut entendre "C'est un truc dont j'ai pas envie, mais à ce qu'il paraît ça peut me servir dans ma carrière." Alors certes, en général, les gens qui viennent me voir sont des gens un peu fatigués, un peu aliénés, et ça doit parfois exister les opportunités en dehors de la bulle de mon cabinet. Mais dans ce que je rencontre, c'est toujours pour se forcer. Peut être que ces patients ont été tyrannisé par des parents qui leur disaient qu'il fallait manger ce qu'on a dans son assiette parce qu'à l'autre bout du monde des enfants ont rien à manger. Allez, bouffe ton opportunité ! J'ai le cortège plus banal des patients surmenés, qui font le boulot d'une personne et demie et qui d'une part se mettent à devenir allergiques à la plainte de ceux qui sont en souffrance dans l'entreprise. Le déni se doit d'être collectif. Si quelqu'un vient se plaindre, il doit se faire rabrouer. Et voilà que ces patients au bout du rouleau deviennent eux même les bourreaux d'autres personnes exsangues. Rouage indifférent de la machine. Ils sont assez coriaces ceux là, parce qu'ils ne veulent rien entendre de leur souffrance en général. Et si on y va trop frontalement à leur faire réfléchir dessus, ils avanceront la normalité des choses, le sous effectif généralisé, la rudesse du monde du travail. Tout ce cortège d'argument à demi raisonnables qui voudraient normaliser la situation. La seule manière que j'ai trouvé pour l'instant de manœuvrer dans ces cas là, c'est d'insister sur ce qu'ils ratent de leur vie personnelle dans les périodes où l'entreprise les malmène plus que d'habitude. "Mais vos projets personnels, ça vous ennuie pas qu'ils aient disparus de votre vie ?" Je feins l'innocence "Ah bon, vous n'avez plus de temps pour ça, mais comment ça se fait !?". Mais le bras de fer est long en général. Le plus difficile étant de lutter contre un sentiment de dette envers le monde du travail. C'est eux qui doivent beaucoup à l'entreprise. C'est donc normal qu'ils se sacrifient en retour. Tu me dois la vie ! Rends la moi ! Le spectre du parent odieux n'est jamais loin... J'aurais envie de répliquer donner c'est donné, reprendre c'est volé. Parce que oui, j'ai fait des années d'études mais je privilégie les adages d'enfants. C'est quand même moins con. Bref, j'ai l'impression de voir beaucoup de gens qui se font flouer par l'entreprise et en sont surmenés. Peut être parce que moi aussi je travaille trop. Et comme charité bien ordonnée commence par soi, dès juillet, je vais passer de six jours de travail à quatre. À moi la farniente.

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